La surface d'une capitale détruite chaque jour

Publié le par Nathalie

Si quelqu'un vous proposait quelque chose d'aussi fou que de rayer une grande capitale et tous ses habitants de la carte, et ceci chaque jour pendant 50 ans, vous vous diriez que cette personne est folle, qu'elle a complètement perdu la raison et vous vous révolteriez pour l'en empêcher. Et pourtant, on détruit l'équivalent de cette surface de forêt chaque jour sur la Terre et au moins mille fois plus d'animaux et de plantes qu'on ne compte de Parisiens ou de New-yorkais, sans jamais nous y opposer.

Les immeubles de béton ont-ils un droit supérieur aux arbres ? Les hommes ont-ils droit de vie et de mort sur les singes, les perroquets, les jaguars, les éléphants ? Je me faisais cette réflexion, lors d'un séjour d'immersion en forêt amazonienne où nous développions des projets de reforestation et de préservation de forêts menacées. Comment peut-on laisser faire ce massacre de biodiversité sans bouger ? Ces milliards d'insectes et de fourmis, d'oiseaux et de papillons, de plantes et de lianes, fleurs et orchidées, racines, mousses, tiges et bourgeons, tous délicatement entremêlés. Comment peut-on vouloir détruire cette fraîcheur du sous-bois, ces parfums délicats et ces infinies déclinaisons de vert, cette rosée du matin et ces vapeurs fumantes qui génèrent les pluies du lendemain, ces canyons, rivières, chutes d'eau et ravins à la poubelle pour toujours, alors que la nature a mis des milliers d'années à les composer avec cette inimitable poésie et une parfaite harmonie ? Que se disent les arbres, quand d'un coup ils entendent le bruit strident de la tronçonneuse qui signe leur arrêt de mort ?

Nous laissons faire peut-être parce que nous sommes bien loin de cette forêt, et plus largement de la nature, ou tout simplement parce que nous ne réalisons pas ce qu'est la forêt tropicale. La forêt tropicale est bien plus qu'un ensemble de plantes et d'animaux qui se côtoient. C'est le premier réservoir d'eau douce et de biodiversité au niveau mondial et le principal poumon de la planète avec les océans, que l'on maltraite tout autant. C'est aussi un lieu sacré pour les peuples premiers à travers le monde, un temple que l'on profane sans même considérer ces "primitifs" et leur culte.

C'est un lieu que l'on s'est tout simplement habitué à détruire depuis notre naissance et à un rythme effréné. Un paillasson sur lequel on essuie ses gros pieds incultes, par cupidité, souvent pour le profit d'un seul homme et à très court terme, bêtement.

J'ai eu le privilège de parcourir un fragment de cette forêt avec des indiens Kechuas avec qui nous travaillons à la préservation de leur territoire. Je leur ai dit que c'était au nom du développement durable, qu'à présent, certains s'engagent dans la lutte pour la préservation de nos écosystèmes, et qu'on pouvait garder espoir. Mais eux n'ont simplement jamais oublié que l'homme est dépendant de son propre écosystème et que le détruire c'est mettre en péril sa propre survie, une évidence pour toute leur communauté depuis les enfants en bas âge. Ce sont donc nous les primitifs, les barbares, les sous-développés, pas eux, peuples premiers qui ont su garder en mémoire les principes sacrés de la préservation de la nature et de notre espèce. Il est grand temps pour nous d'agir et de stopper ce massacre. Comment ?

La déforestation est due à 60% à l'agriculture intensive et à 30% aux petits producteurs qui coupent et brûlent pour cultiver ou cuire leurs aliments. La déforestation est donc d'abord une question agricole. On coupe la forêt avant tout pour produire du grain (maïs et soja OGM de préférence) pour nourrir le bétail et produire des agro-carburants, pour ce qui est de l'agriculture intensive. Grains et bétails cultivés et élevés à grand renfort d'engrais, de pesticides, d'antibiotiques et qui parcourent en général 5 à 10 000 kilomètres avant de se retrouver dans notre assiette. 

Nos choix de consommation peuvent inverser ce mouvement destructeur, alors avant d'acheter, réfléchissons !

Source : Tristan Lecomte - L'Express.fr
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